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  Pie VI ou l'histoire d'un pape prisonnier
 
   
Le Pape Pie VI arriva dans le Briançonnais le 30 avril 1799 après un périple particulièrement difficile à travers les Alpes italiennes et françaises. A moitié paralysé et malade, on craignait qu'il finisse ses jours à Briançon. Le chanoine Benjamin Sylvestre, dans son livre intitulé "Silhouettes et glanes briançonnaises", racontait qu'à son passage à Montgenèvre, des Révolutionnaires avaient abattu la croix du clocher. Le Pontife fut si ému qu'il ne put retenir ses larmes. Cette impression fut adoucie un peu plus loin avec les témoignages de respect et de piété qu'il reçut des Briançonnais, et ce, malgré l'interdiction de venir le saluer sur le bord des routes. La municipalité, alors dirigée par M. Jean-François Bonnot, décida même qu'on ne sonnerait pas les cloches et, plus que méfiant, confisqua les clefs de l'église, les mettant en sûreté à la mairie. A l'arrivée du grand personnage, tous se précipitèrent pour recevoir sa bénédiction suprême, dans une ferveur à la limite de l'hystérie collective. La Révolution, malgré ses idées avancées et son souhait de borner les "influences fanatiques" du pape en l'emprisonnant à Briançon, n'avait pas réussi à calmer les élans religieux de son peuple. "Je n'ai pas trouvé une foi si grande en Israël" aurait-il dit... Pie VI logea dans un bâtiment qui appartenait à l'ancien hôpital des Cordeliers, un bâtiment qui servira plus tard de sous-préfecture. Son séjour commença le 11 Floréal (30 avril 1799). Il était accompagné d'une suite de trente personnes environ, qui étaient logées avec lui. Cette demeure avait été choisie en raison de son confort et de ses commodités. Dans sa suite, on trouvait, par exemple, Mgr Caraccialo, Camérier, Mgr Spina, archevêque de Corinthe... et beaucoup d'autres ecclésiastiques qui n'avaient pas voulu quitter le Saint-Père dans son exil forcé, A 82 ans, paralysé et accablé par tant de souffrances physiques et morales, le pape passait le plus clair de son temps couché dans un fauteuil. Tous les jours, un office était dit dans l'une des pièces de l'appartement, messe dite par un prêtre de sa suite. Les révolutionnaires, constamment sur les dents et craignant une possible échappée du personnage, plaçaient toutes les nuits deux sentinelles devant la porte du souverain pontife et devant celle donnant sur la grande Gargouille. Selon l'histoire populaire, il se contentait d'une miche de pain comme tous les prisonniers et nourrissait même sa sentinelle. La journée voyait une fréquente affluence dans la grande rue, à hauteur du bâtiment. En effet, les Briançonnais y restaient dans l'espoir d'apercevoir le pape et de recevoir sa bénédiction. Malheureusement, personne ne pouvait l'approcher, pas même les prêtres de la région à qui l'on refusait toujours l'audience. Pour le rencontrer, il fallait une permission signée du commandant de la place, permission rarement accordée (ses geôliers exerçant une surveillance rigoureuse et nourrissant une haine constante à l'égard de la religion). A la fin du mois de mai 1799, les choses se précipitèrent. Le général russe Souwarow venait d'entrer dans Turin à la tête d'une importante armée. Le directoire, ayant peur que l'ennemi reprenne le saint homme pour le ramener en Italie, ordonna son transfert à Valence, malgré les avis défavorables des médecins de l'hôpital de Briançon, affirmant que Pie VI ne supporterait pas le voyage. "C'est une imposture, il faut que mort ou vif, le pape soit parti demain", déclara un des responsables révolutionnaires. Le pauvre vieillard fut hissé sur une charrette et expédié vers Valence, en passant par Gap et Grenoble, sous un temps à ne pas mettre un chat dehors. Après être passé par le village de St-Crépin, où le prisonnier faillit bien "passer l'arme à gauche", il arriva tant bien que mal à Valence quelques jours plus tard. A bout de forces, il devait y décéder le 24 août 1799. "Recommandez à mon successeur de pardonner aux Français comme je leur pardonne", dira-t-il à Mgr Spina. Dans un chapitre consacré au passage de Pie VI à Briançon, le Chanoine Sylvestre conclut sur cette anecdote : Sur la liste des bienfaiteurs de l'ancien hôpital, figure le nom du Pape. En reconnaissance des soins reçus du personnel, le Pontife donna, en deux fois, 1200 Livres à l'établissement (argent provenant sans doute des dons offerts par les paroissiens). Il arriva un jour un paquet avec cette indication destinée à tromper la vigilance des révolutionnaires : "Une douzaine de chemises", et qui contenait en fait 6000 francs, qu'une main discrète fit parvenir à Pie VI !

   
 
 
   
 En partenariat avec : CAUE des Hautes-Alpes